La pandémie de coronavirus a eu raison de l’objectif gouvernemental des 7 % de chômage en 2022. Il paraissait pourtant atteignable au début de l’année, après des créations d’emplois particulièrement dynamiques en 2019. Les prévisions de la Banque de France tablent désormais sur une augmentation progressive du chômage, qui devrait culminer à 11 % mi-2021. La France a par ailleurs abordé cette crise avec un taux de chômage relativement élevé par rapport aux autres grands pays européens, à l’exception de l’Espagne et de l’Italie. Le taux d’emploi début 2020 n’était  toujours pas revenu à son niveau d’avant la crise de 2008, alors que la résilience du modèle allemand et la flexibilité du marché britannique avaient permis de retrouver le plein emploi dès 2014 et 2016 respectivement. Chaque crise laisse ainsi une marque beaucoup plus profonde en France, et le principal danger est que les destructions d’emploi de 2020-21 n’ajoutent une strate épaisse de chômage structurel et donc de chômeurs de longue durée.

Ce constat est d’autant plus inquiétant que les outils statistiques ne permettent pas, à ce stade, de mesurer précisément l’impact de la pandémie. Les chiffres du chômage livrés chaque trimestre par l’INSEE résultent d’enquêtes qui requièrent notamment qu’une personne soit disponible et cherche activement pour être considérée au chômage. Or beaucoup de secteurs ont subi des restrictions ou des fermetures administratives, et nombre de personnes ont vu leur vie bouleversée. Près d’un actif français sur trois se trouvait en mai 2020 au chômage ou en sous-emploi d’après la Banque centrale européenne, ce qui est le taux le plus élevé parmi les cinq premières économies de l’Union européenne (un actif sur quatre en Italie et en Espagne).

Impact variable de la pandémie selon les pays
Le graphique en courbes illustre l’évolution du volume d’offres sur Indeed.fr par rapport à 2019, et l’impact variable de la pandémie selon les pays. L’axe vertical indique l’écart en tendance en pourcentage, entre – 80 et 20. L’axe horizontal indique les mois de février à novembre. Les courbes individuelles représentent l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni.

La reprise sur le marché du travail sera lente et inégale, d’autant plus qu’une grande partie de la hausse du chômage s’explique par des « non créations » d’emploi. Les offres d’emploi sur Indeed.fr restent en forte baisse par rapport à l’année dernière : fin novembre, le volume d’annonces est ainsi inférieur de 30 % à sa tendance de 2019, ce qui place la France en position médiane en Europe. Elle fait mieux que le Royaume-Uni et l’Espagne (entre -40 et -50 %), pire que l’Allemagne et les Pays-Bas (qui se maintiennent au-dessus de -20 %). La France et l’Italie résistent en outre moins bien au deuxième confinement : les nouvelles offres d’emploi ne viendront pas remplacer les anciennes à l’identique, générant ainsi des inégalités : la crise a accéléré l’essor de secteurs, métiers ou compétences aussi divers que les services à la personne, la santé, le numérique et a souligné l’importance de certains autres, comme la propreté et l’hygiène. Leur part sur le marché du travail augmentera, au détriment des autres :’enseignement et formation, services administratifs, métiers de la production, de la fabrication, de la vente et de la prospection commerciale, qui, depuis le début de l’année, sont les plus en déclin dans les offres d’emploi. 

Symbole de ces nouvelles perspectives pas toujours accessibles à tous, le télétravail s’est durablement établi dans les habitudes de beaucoup d’entreprises et de Français. Même si la France reste, une fois encore, en retard sur l’adoption du travail à distance, la proportion d’offres qui mentionnent explicitement la possibilité de télétravailler sur Indeed.fr a doublé. Cela permettra d’améliorer la mobilité géographique sur le marché du travail français, qui reste un facteur de rigidité très important comme nous l’avions souligné dans un rapport l’année dernière. Les conséquences sur le marché immobilier pourraient être importantes, tout comme sur les marchés du travail locaux, puisque la présence d’actifs qualifiés en télétravail pourrait contribuer à développer les besoins dans le commerce ou les services à la personne. Pour l’instant cependant, le marché du recrutement dans les villes peine à se redresser : entre janvier et septembre 2020, les départements urbains ont ainsi connu une baisse de 20 % des offres d’emploi en volume, contre 2 % pour les départements ruraux – même si la part des offres en télétravail reste plus élevée dans les villes (5 %) que dans les départements plus ruraux (3 %).

Le succès de la sortie crise dépendra donc de la capacité des acteurs publics comme privés à reconnaître ces transformations et à faire évoluer, ensemble, un marché du travail qui reste le socle du financement de notre modèle de protection sociale.