Principaux enseignements :

  • La part des offres d’emploi qui mentionnent le télétravail a presque triplé depuis le début de la pandémie, passant de seulement 2,5 % en moyenne en janvier 2020 à près de 7,5 % en septembre 2021 dans les 20 pays analysés.
  • Dans tous les pays, l’augmentation de la part des offres d’emploi à distance est la plus forte dans les domaines du développement de logiciels, du marketing, des médias et de la communication et d’autres emplois de services hautement qualifiés, où le télétravail est le plus facile à mettre en place. 
  • L’augmentation de la proportion de postes à distance varie entre une quasi-absence de changement au Japon et une augmentation de 7 points de pourcentage en Irlande, les différences entre les pays s’expliquant dans une large mesure par les différences de restrictions imposées par les gouvernements.
  • La levée des restrictions à la mobilité n’a pas entraîné de baisse significative de la proportion de postes à distance depuis le printemps 2021, en particulier dans les pays disposant de bonnes infrastructures numériques, ce qui laisse penser que le télétravail survivra à la pandémie.

La pandémie a déclenché une explosion du télétravail. En collaboration avec l’OCDE, Indeed a analysé les offres d’emploi de 20 pays et constaté que la part moyenne des offres d’emploi à distance dans les pays étudiés a plus que triplé, passant de seulement 2,5 % du total en janvier 2020 à 7,9 % en avril 2021. Cette augmentation est due en grande partie aux restrictions liées à la pandémie, qui ont entraîné une forte adoption du télétravail dans les professions où de nombreux postes peuvent être transférés à domicile. Malgré l’assouplissement des restrictions, la part moyenne des offres d’emploi à distance est restée proche de son pic, à 7,5 %, en septembre 2021.

Le graphique en courbes représente l’évolution du poids des annonces en télétravail dans le total d’une part (de 0 à 8 %)
Le graphique en courbes représente l’évolution du poids des annonces en télétravail dans le total d’une part (de 0 à 8 %), et l’évolution de l’intensité des mesures de restriction à la mobilité d’autre part (sur une échelle de 0 à 80), de janvier 2019 à septembre 2021, en moyenne sur 20 pays de l’OCDE. Les données sur les annonces proviennent d’Indeed, et celles sur les restrictions à la mobilité sont issues du « Covid-19 Government Response Tracker » de l’Université d’Oxford.

Les emplois à distance sont concentrés dans certaines professions

Le poids du télétravail dans les offres d’emploi a augmenté dans presque toutes les catégories de métier depuis le début de la pandémie, mais la hausse a été particulièrement importante dans les services hautement qualifiés. Par exemple, la part des offres d’emploi à distance dans un pays moyen a augmenté d’environ 11 points de pourcentage dans le développement de logiciels et le marketing, mais de moins d’un point dans l’alimentation, le commerce de détail, le transport routier ou les métiers de la fabrication.

Ces deux histogrammes figurent, sur une échelle de 0 à 12 points de pourcentage, la variation du poids des annonces en télétravail entre la moyenne de l’année 2019 et celle de la période pandémique, pour un pays moyen
Ces deux histogrammes figurent, sur une échelle de 0 à 12 points de pourcentage, la variation du poids des annonces en télétravail pour une sélection de catégories de métiers entre la moyenne de l’année 2019 et celle de la période pandémique, pour un pays moyen. La partie gauche du graphe figure les plus faibles variations, celles de droite les plus importantes. Les données proviennent d’Indeed et les calculs ont été réalisés par l’OCDE. 

Cette hétérogénéité sectorielle s’explique surtout par la possibilité de télétravailler facilement. En effet, la différence entre les secteurs qui se prêtent bien ou très bien au télétravail, comme le développement de logiciels ou le marketing, et les autres (comme l’alimentation ou le transport routier) a plus que triplé pendant la pandémie. Le poids du télétravail augmente presque sans interruption dans les secteurs qui se prêtent très bien au télétravail. Mais dans les secteurs qui se prêtent peu ou pas au télétravail,  il n’a augmenté que dans une bien moindre mesure et seulement pendant les phases les plus aiguës de la pandémie. Ces tendances divergentes suggèrent que le poids du télétravail pourrait se stabiliser à des niveaux très différents d’un secteur à l’autre une fois la pandémie maîtrisée. 

L’augmentation de la part du télétravail dans les offres d’emploi ne s’est pas accompagnée d’un transfert de certaines offres vers des secteurs dans lesquels il serait plus facile de télétravailler. Les offres d’emploi ont d’ailleurs mieux résisté dans les emplois qui ne se prêtent pas ou peu au télétravail, comme la santé, le nettoyage ou le commerce de détail, et ont même récemment connu une croissance plus rapide que dans les autres secteurs. Cela s’explique en partie par le fait que de nombreux gouvernements considèrent ces emplois comme essentiels et accordent aux travailleurs des exemptions aux restrictions à la mobilité. Une autre raison est que certaines professions, comme l’hôtellerie et la vente au détail, ont subi d’importantes pertes d’emplois pendant la pandémie et ont donc connu une reprise plus forte du recrutement avec l’assouplissement des restrictions. En résumé, le transfert d‘offres d’emploi entre les métiers présentant différents degrés de possibilité de télétravailler ne joue qu’un rôle mineur. L’augmentation du nombre d’offres d’emploi à distance reflète donc essentiellement des changements au sein d’une même catégorie de métiers. 

Les restrictions à la mobilité ont été un catalyseur

Les restrictions à la mobilité expliquent environ un tiers des différences entre pays entre janvier 2020 et le moment où le poids du télétravail dans les annonces a atteint son maximum en avril 2021. Dans les pays où les restrictions à la mobilité étaient importantes, comme l’Irlande, l’Italie, l’Espagne ou le Royaume-Uni, le poids du télétravail a nettement plus augmenté que dans les pays où les restrictions étaient limitées, comme le Japon et la Nouvelle-Zélande. En moyenne, une variation de 15 points de l’indice de l’« Oxford COVID-19 Government Response Tracker » était associée à une variation de 0,5 point de pourcentage de la part du télétravail au cours des cinq mois suivants.

Ce nuage de points illustre la corrélation positive (R2 = 0,29) entre les restrictions à la mobilité et la variation du poids du télétravail dans les annonces.
Ce nuage de points illustre la corrélation positive (R2 = 0,29) entre les restrictions à la mobilité et la variation du poids du télétravail dans les annonces. Chaque point représente un pays étudié. Les données proviennent d’Indeed pour les annonces, et du « Covid-19 Government Response Tracker » de l’Université d’Oxford pour l’indice de restriction à la mobilité.

Alors que le renforcement des restrictions s’est accompagné d’une augmentation des offres d’emploi à distance, les périodes d’assouplissement n’ont vu qu’une diminution modeste et transitoire du télétravail dans les annonces.

Des infrastructures numériques adaptées sont nécessaires pour récolter les dividendes du télétravail

Le degré de diffusion d’internet dans les différents pays joue également sur la diffusion du télétravail dans les annonces. Si un renforcement des restrictions à la mobilité accroît le poids du télétravail quel que soit le niveau de pénétration d’Internet, un assouplissement des restrictions entraîne un reflux du poids du télétravail dans les pays à faible pénétration, alors que dans les pays plus connectés, le poids du télétravail se maintient. 

La persistance du télétravail une fois la pandémie maîtrisée pourra donc dépendre du niveau de préparation numérique d’un pays. En Italie, où la pénétration d’internet est relativement faible, la part du télétravail a augmenté de plus de 10 points de pourcentage de janvier 2020 à avril 2021, mais a diminué de 5 points de pourcentage au cours des cinq mois suivants avec l’assouplissement des restrictions. À l’inverse, aux États-Unis, où le taux de pénétration d’Internet est élevé, la part du télétravail dans les annonces a augmenté d’environ 7 points de pourcentage entre janvier 2020 et janvier 2021, au maximum des restrictions à la mobilité, et est restée à peu près à ce niveau pendant la période d’assouplissement qui a suivi, ce qui laisse penser que les entreprises ont définitivement intégré le télétravail dans leur organisation au lieu de le considérer comme un recours temporaire.

Certains facteurs qui auraient pu jouer un rôle, telles que les compétences de la main-d’œuvre ou la qualité du management (comme la bonne utilisation des ressources humaines, le suivi des performances ou la fixation d’objectifs), ne paraissent pas altérer le lien entre restrictions à la mobilité et diffusion du télétravail dans les offres d’emploi. Cela suggère que ni les compétences, ni la qualité du management, ne constituent une barrière à l’adoption du télétravail dans les pays à hauts revenus examinés dans notre étude.

Conclusion : le télétravail restera une réalité après la crise

L’analyse suggère donc que les restrictions à la mobilité imposées par les gouvernements ont servi de catalyseur au télétravail. L’assouplissement des restrictions au printemps 2021 n’a pas encore déclenché de reflux équivalent du télétravail dans les offres d’emploi, en particulier dans les pays disposant de bonnes infrastructures numériques, ce qui laisse penser que le télétravail persistera, même lorsque la pandémie aura reculé.

Afin de bénéficier de la possible diffusion du télétravail dans les années qui viennent, les politiques publiques devraient tenter de tirer le meilleur parti de ses effets potentiels sur la productivité et le bien-être. Il peut s’agir de veiller à ce que les actifs disposent d’un environnement de travail adapté (équipement informatique, bureau et services de garde d’enfants), de faciliter la diffusion des meilleures pratiques managériales (par exemple, passer d’une culture du présentéisme à une évaluation de la productivité axée sur les résultats) ou de veiller à garantir à tous un accès à une connexion internet rapide, fiable et sécurisée (par exemple, dans les zones rurales).

Cet article s’appuie sur un document de travail conjoint d’Indeed et de l’OCDE intitulé « Will it stay or will it go? Analysing developments in remote work during COVID-19 using online job postings data » par Pawel Adrjan, Gabriele Ciminelli, Alexandre Judes, Michael Koelle, Cyrille Schwellnus et Tara Sinclair.

Méthodologie

Cet article se fonde sur les offres d’emploi d’Indeed dans les 20 pays de l’OCDE suivants : Australie, Autriche, Belgique, Canada, France, Allemagne, Irlande, Israël, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Pologne, Espagne, Suède, Suisse, Royaume-Uni et États-Unis. Les moyennes ne sont pas pondérées.

La classification des métiers selon la possibilité de télétravailler repose sur le travail de Dingel & Neiman (2020). Une variable alternative peut être construite en utilisant les données propriétaires d’Indeed sur les annonces en télétravail par profession en 2019. Les offres d’emploi sont considérées accessibles en télétravail si le titre ou la description du poste comprend des termes tels que « télétravail », « travail à distance », « travail à domicile » ou des termes similaires, ou si le lieu du poste est explicitement indiqué comme étant « à distance ». Ces offres d’emploi comprennent les emplois à distance permanents et temporaires, bien que les employeurs ne le précisent pas toujours. Alors que la mesure basée sur Dingel et Neiman (2020) se rapproche du potentiel de télétravail, la mesure fondée sur les données d’Indeed tient compte de l’adoption réelle du télétravail dans les offres d’emploi, qui peut différer du potentiel en raison de diverses frictions, notamment la disponibilité limitée des infrastructures numériques, les compétences informatiques limitées de la main-d’œuvre ou la culture managériale. Les deux mesures donnent des résultats similaires lorsqu’on compare les différences entre les secteurs.

Le niveau des restrictions à la mobilité est mesuré par l’indice de l’ « Oxford COVID-19 Government Response Tracker ».

Les données sur les compétences moyennes en calcul de la main-d’œuvre proviennent du Programme de l’OCDE pour l’évaluation internationale des compétences des adultes, tandis que les données sur les infrastructures numériques des pays (vitesse moyenne et abonnements au haut débit pour 100 000 habitants) sont extraites du Portail haut débit de l’OCDE. Les scores transnationaux de la qualité du management dans les entreprises proviennent de la « World Management Survey ».