Les professions réglementées ont fait l’objet de divers rapports et études depuis l’antique rapport Armand-Rueff de 1960, dont beaucoup de préconisations sont restées lettre morte. Les plus récents sont sans doute le rapport Attali (2008) et celui de l’Inspection générale des finances (IGF), rendu en 2012-2013.
Les professions réglementées sont revenues dans l’actualité en mars 2018 avec la réforme de la SNCF et plus particulièrement le volet concernant le statut des cheminots. Profession emblématique du service public ferroviaire français, elle n’est pourtant pas la seule à fonctionner sur la base d’un statut dans un marché du travail qui demeure très rigide et fragmenté.
Une analyse des données Indeed sur les professions juridiques et médicales les mieux rémunérées identifiées par le rapport de l’IGF, en particulier les pharmaciens, les dentistes et les notaires, dresse un tableau assez inégal. En général, la publication des offres est peu dynamique, ce qui peut paraître logique pour des professions qui recrutent par concours ou par cooptation. Cependant leur répartition sur le territoire varie énormément selon la profession. Les salaires, eux, restent toujours aussi élevés.
Un nombre d’offres qui stagne et des annonces mal réparties sur le territoire
Le nombre d’offres publiées sur le net pour les professions étudiées[1] est en règle générale assez stable dans le temps. Parmi celles pour lesquelles nous disposons de plus de données (pharmacien, dentiste et notaire), seule la profession de dentiste affiche une augmentation significative du nombre d’offres à partir de février 2017 (+70 % en moyenne sur la période). Cette évolution n’est toutefois sans doute pas liée à des réformes ou des facteurs légaux puisque peu de changements significatifs sont intervenus pour la profession sur la période. Le nombre d’offres pour des postes de pharmaciens oscille autour de 15 offres pour 10 000 annonces au cours de la période. En ce qui concerne les notaires, profession dont la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « Macron », votée en 2015, prévoyait la réforme, le nombre d’offres reste faible malgré une hausse sur le premier semestre 2017, vite résorbée. La réforme n’aurait donc eu qu’un effet transitoire sur le nombre d’offres d’emploi et donc l’ouverture de la profession.
Les autres professions du champ de l’analyse restent toutes en dessous du seuil de 5 offres pour 10 000 annonces, ce qui est très faible, même comparé à d’autres emplois très qualifiés que l’on pourrait considérer comme « rares » sur le marché du travail.
La répartition des offres fait en outre ressortir une problématique propre à la profession de notaire puisque la répartition sur le territoire est très inégale. La plupart des offres (36 %) est à Paris, et dans une moindre mesure dans l’ouest et le sud-est. Ailleurs, l’offre est indigente. En comparaison, les annonces de pharmacien et de dentiste couvrent plutôt bien le territoire national, même si des disparités persistent.
Un intérêt stable des chercheurs d’emploi malgré un niveau de salaire privilégié
Tout comme le faible dynamisme des offres dans ces professions, l’intérêt des chercheurs d’emploi reste mesuré. Le nombre de recherches concernant la profession de notaire a chuté en dessous de 2,5 pour 10 000 recherches avant de toucher un point bas à 1,4 début novembre 2016, pour ensuite se rétablir et atteindre 2,1 fin mars 2018. Les recherches concernant la profession de dentiste stagnent sur la période, malgré un léger sursaut au début de cette année 2018. A l’inverse, l’intérêt pour le métier de pharmacien tend à s’éroder depuis la mi-2016.
Pour autant, les salaires dans chacune de ces trois professions restent élevés. Le rapport de l’IGF avait estimé ces niveaux de rémunération par rapport à la moyenne nationale ou même des emplois qualifiés comparables : 13 k€ nets par mois pour un notaire, 29 k€ nets par mois pour un greffier de tribunal de commerce ou encore 10,5 k€ nets par mois pour un pharmacien biologiste. Les fortes barrières à l’entrée existant dans ces professions – qui selon le rapport de l’IGF ne sont pas toujours pertinentes en regard des missions de service public dont ces professionnels doivent s’acquitter – expliquent non seulement ces niveaux de rémunération, mais aussi le niveau d’intérêt assez stable des chercheurs d’emploi, découragés par l’accès difficile à ces emplois.
Ces professions restent donc relativement à part sur le marché du travail : en plus des barrières à l’entrée, les offres d’emplois restent rares et parfois mal réparties sur le territoire, elles ne suscitent pas vraiment d’intérêt chez les demandeurs d’emploi qui ne sont pas déjà dans le secteur, et ce malgré les salaires très élevés. Enfin et surtout, ces professions, comme toutes les autres, doivent faire face à la révolution numérique, qui sera probablement pour elles une force d’évolution autrement plus puissante que n’importe quelle forme de réglementation.
1. Greffiers de tribunaux de commerce, mandataire judiciaire, administrateur judiciaire, notaire, huissier de justice, pharmacien, médecin spécialiste, chirurgien-dentiste